HISTORIQUE













 

La présence jersiaise en Gaspésie

Il n'existe pas d'écrit plus important que la thèse du Père John Le Garignon, UN HÉRITAGE NORMAND SUR LA CÔTE DE GASPÉ, pour bien faire comprendre la place importante que les Jersiais ont occupée sur le territoire de la Gaspésie à partir du XVIIe siècle. Cette thèse a fait l'objet d'une publication spéciale, en 1978, dans la Revue d'histoire de la Gaspésie alors éditée par la Société historique de la Gaspésie.

Les témoignages des tous derniers Jersiais, natifs de Jersey et vivant encore en Gaspésie, que nous livre le Père Le Garignon, nous font découvrir que «le jeune Jersiais qui émigrait en Gaspésie naissait ordinairement dans une partie rurale de l'île Jersey et appartenait à une famille protestante. Il n'était jamais un aîné de famille. Son départ s'effectuait ordinairement au printemps. Il rejoignait un port britannique et s'embarquait à bord d'un bateau en partance pour la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ou Paspébiac (Québec), La Mecque du Jersiais».

De religion protestante (la plupart), «les Jersiais avaient des moeurs plus libérales que le catholique tchubecquois. Le Père Le Garignon raconte, dans sa thèse, que M. Béchard, un inspecteur d'école, en 1857, en vint à la conclusion qu'il faudrait la plume pornographique d'un Zola, d'un Daudet ou d'un Gaboriau pour décrire les moeurs du Jersiais de ce temps». Ce qui amène le Père Le Garignon à conclure que M. Béchard «n'avait pas beaucoup de perspective historique» et à rappeler que «le Jersiais, même catholique n'était pas ancré dans la traditionnelle et passive résignation que le clergé catholique avait inculquée au peuple canadien-français en vue de la conservation de la langue et de la culture».

Publié avec la permission de la Corporation du Musée de la Gaspésie (héritière de la Société historique de la Gaspésie), 80 boul. Gaspé, Gaspé, QC G4X 1A9. Tous nos remerciements à madame Danielle Litalien, Jèrriaise de coeur, qui a bien voulu nous guider dans nos démarches pour obtenir l'autorisation de publier ces textes.


Entrepôts des Robin sur la grève de Paspébiac au temps des Jersiais.
Photo: Archives publiques du Canada

 Témoignage de monsieur Barette

Nous vous présentons, en premier lieu, monsieur Barette, le doyen des Jersiais de la Côte, né le 3 janvier 1892 à l'Île Jersey. Engagé par Alexandre et Le Marquand, à Hill Street, Saint-Hélier (Jersey), il arrive à Paspébiac en 1907 et se met au service d'Alexandre Le Marquand, travaillant à leurs magasins de Pointe St-Pierre et Belle-Anse. En 1914, il perd son emploi à cause de la faillite de cette compagnie. II se souvient, qu'à ce moment, Le Gros Brothers avait encore des magasins à Barachois et à Pointe St-Pierre. Tous les magasins jersiais faisaient alors le commerce du poisson. La morue était séchée et expédiée outre-mer. Plus tard, en 1914, M. Barette a été employé par les Robin, travaillant, avant 1917, à Paspébiac et Ste-Adélaide de Pabos. Entre 1917-1920, il est transféré à Rivière-au-Renard, passe ensuite une année et demie à l'Anse-au-Griffon et va enfin à Rivière Saint-Jean et à Magpie sur la rive nord du St-Laurent. En 1920, il revient en Gaspésie, à Newport, où il travaillera pendant 7 ans. Entre-temps, il fait une visite à son île natale en 1925 pour en revenir sur le même navire que Wilfrid Brideaux, un autre Jersiais qui venait à la Côte de Gaspé. De 1927 à 1934, il est avec les Robin à Bonaventure; de 1935 à 1942, il est à Gascons.

Le 15 avril 1941, il devient le premier gérant non-protestant chez Robin lorsqu'il se convertit au catholicisme pour se marier. Les Robin créaient un précédent en acceptant un gérant catholique à leur service. Entre 1914 et 1956, il y avait des catholiques à l'emploi de la compagnie, mais aucun ne songeait à la possibilité de devenir gérant de succursale.

Quand M. Barette était entré chez Alexandre et Le Marquand, il avait signé un contrat de 5 ans et son salaire avait été fixé, pour cette durée, à 50 louis (terme jersiais signifiant la livre sterling); M. Barette recevait donc, pour 5 ans de labeur, la somme d'environ deux cents dollars. Après 3 ans, le jeune employé, n'ayant plus d'argent, a du avoir recours à sa famille en Jersey. La compagnie lui donne alors une augmentation. Pour les deux dernières années de son engagement il recevra $300.00.

Lorsque M. Barette travaillait chez Robin, la pension et le couvert étaient inclus dans le salaire. Chaque magasin avait "sa maison du personnel" (staff house). Des fermiers jersiais cultivaient la terre et on leur fournissait deux ou trois chevaux pour faire le travail des champs. À la maison, on employait une femme comme cuisinière et ménagère. Si le gérant était marié, cet ouvrage revenait à son épouse. Les commis étaient à l'oeuvre de 7h à 12h et de 1 h à 6h Ils devaient souvent faire du temps supplémentaire, sans rémunération, bien entendu. On respectait les fêtes religieuses et on servait du poisson le vendredi. Le passage de retour chez eux était payé aux commis à l'expiration de leur contrat.


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