Nous vous présentons, en premier lieu, monsieur Barette, le doyen des Jersiais de la Côte, né le 3 janvier 1892 à l'Île Jersey. Engagé par Alexandre et Le Marquand, à Hill Street, Saint-Hélier (Jersey), il arrive à Paspébiac en 1907 et se met au service d'Alexandre Le Marquand, travaillant à leurs magasins de Pointe St-Pierre et Belle-Anse. En 1914, il perd son emploi à cause de la faillite de cette compagnie. II se souvient, qu'à ce moment, Le Gros Brothers avait encore des magasins à Barachois et à Pointe St-Pierre. Tous les magasins jersiais faisaient alors le commerce du poisson. La morue était séchée et expédiée outre-mer. Plus tard, en 1914, M. Barette a été employé par les Robin, travaillant, avant 1917, à Paspébiac et Ste-Adélaide de Pabos. Entre 1917-1920, il est transféré à Rivière-au-Renard, passe ensuite une année et demie à l'Anse-au-Griffon et va enfin à Rivière Saint-Jean et à Magpie sur la rive nord du St-Laurent. En 1920, il revient en Gaspésie, à Newport, où il travaillera pendant 7 ans. Entre-temps, il fait une visite à son île natale en 1925 pour en revenir sur le même navire que Wilfrid Brideaux, un autre Jersiais qui venait à la Côte de Gaspé. De 1927 à 1934, il est avec les Robin à Bonaventure; de 1935 à 1942, il est à Gascons.
Le 15 avril 1941, il devient le premier gérant non-protestant chez Robin lorsqu'il se convertit au catholicisme pour se marier. Les Robin créaient un précédent en acceptant un gérant catholique à leur service. Entre 1914 et 1956, il y avait des catholiques à l'emploi de la compagnie, mais aucun ne songeait à la possibilité de devenir gérant de succursale.
Quand M. Barette était entré chez Alexandre et Le Marquand, il avait signé un contrat de 5 ans et son salaire avait été fixé, pour cette durée, à 50 louis (terme jersiais signifiant la livre sterling); M. Barette recevait donc, pour 5 ans de labeur, la somme d'environ deux cents dollars. Après 3 ans, le jeune employé, n'ayant plus d'argent, a du avoir recours à sa famille en Jersey. La compagnie lui donne alors une augmentation. Pour les deux dernières années de son engagement il recevra $300.00.
Lorsque M. Barette travaillait chez Robin, la pension et le couvert étaient inclus dans le salaire. Chaque magasin avait "sa maison du personnel" (staff house). Des fermiers jersiais cultivaient la terre et on leur fournissait deux ou trois chevaux pour faire le travail des champs. À la maison, on employait une femme comme cuisinière et ménagère. Si le gérant était marié, cet ouvrage revenait à son épouse. Les commis étaient à l'oeuvre de 7h à 12h et de 1 h à 6h Ils devaient souvent faire du temps supplémentaire, sans rémunération, bien entendu. On respectait les fêtes religieuses et on servait du poisson le vendredi. Le passage de retour chez eux était payé aux commis à l'expiration de leur contrat.